Collectif national de résistance à Base élèves…

contre tous les fichiers scolaires

Le CNRBE interpelle la ministre Pau Langevin sur les sanctions qui pèsent encore sur les enseignants anti-BE

Posted by retraitbaseeleves sur 22 juin 2012

Après notre missive envoyée au ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, voici la copie d’une lettre adressée fin mai à sa ministre déléguée, chargée de la réussite scolaire, pour lui rappeler le sort des nombreux enseignants qui sont sous le coup de sanctions pour afficher leur résistance au fichage des enfants.

Madame la Ministre déléguée, chargée de la réussite scolaire,

Suite à la décision du 7 février dernier prise par Monsieur le DASEN de l’Ain, les enseignants Anabelle V., Murielle M. et Nicolas S. ont essuyé un refus de titularisation au poste de directeur d’école, au prétexte qu’ils n’ont pas caché, devant le jury d’examinateurs, leur opinion défavorable quant à la Base élèves. Rappelons que ces trois enseignants ont déjà fait fonction de directeurs d’école, et que leurs compétences n’ont jamais été remises en cause. Un inspecteur de l’éducation nationale avait même émis, pour l’un d’eux, « un avis favorable pour la direction », tout en ajoutant entre parenthèses « mais position anti-base élèves ». Leur progression de carrière a donc été volontairement empêchée au niveau de l’inspection académique de Bourg-en-Bresse. Depuis, Anabelle V. et Nicolas S. ont perdu leur poste au premier mouvement.
Ces trois enseignants rejoignent ainsi la liste déjà conséquente des directeurs sanctionnés pour avoir défendu les droits de l’enfant,dont le nombre atteint aujourd’hui à notre connaissance, près d’une vingtaine dans toute la France (1).

Pourtant, en date du 20 novembre 2009, la Ligue des Droits de l’Homme avait considéré, par l’intermédiaire de son président national, que ces instituteurs obéissaient « à un impératif éthique en lien étroit avec la Convention internationale des droits de l’enfant, et ne devraient donc pas être sanctionnés ».

Dans un rapport du 24 février 2010, Margaret Sekaggya, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme auprès des Nations Unies, mentionne qu’elle a adressé au gouvernement français, conjointement avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation et le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, une lettre d’allégations au sujet de la mise en œuvre du traitement de données Base Elèves 1er Degré. Dans cette lettre datée du 10 décembre 2009, à laquelle la France n’avait toujours pas répondu lors de la remise dudit rapport, « des craintes ont été exprimées quant au fait que les mesures disciplinaires prises à l’encontre des directeurs d’école refusant de renseigner Base élèves soient liées à leurs activités non violentes de promotion et de protection des droits de l’homme, notamment du droit au respect de la vie privée ». Les six directeurs isérois cités dans cette lettre ont ainsi été reconnus comme des défenseurs des droits des enfants comme le sont et le seront tous les enseignants sanctionnés pour ce motif, et les décisions des Inspecteurs d’Académie avaient été reconnues comme allant à l’encontre des remarques émises par ces Rapporteurs Spéciaux auprès des Nations Unies.

En sanctionnant ces directeurs, leurs supérieurs hiérarchiques respectifs n’ont respecté ni les droits de l’homme, ni les droits de l’enfant, ni la résolution de l’ONU de 1999 qui stipule que « nul ne peut être châtié ou inquiété pour avoir refusé de porter atteinte aux droits de l’homme », ni les avis du Comité des droits de l’enfant et du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. En effet, le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies « recommande en outre à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de prévenir une utilisation abusive des informations. (2)»

En soutien aux directeurs résistants, le CNRBE avait adressé le 12 mai 2010 une lettre ouverte signée par plus de 60 organisations à Monsieur Luc Chatel, alors Ministre de l’Éducation Nationale, avec copie aux Inspecteurs d’Académie. Cette lettre était restée sans réponse. Sans attendre que la justice française statue sur les 14 plaintes déposées auprès du doyen des juges d’instruction de Paris et sur les recours déposés dans plusieurs tribunaux administratifs, nous espérons que vous saurez entendre les revendications portées par les parents d’élèves et les citoyens, les directeurs d’écoles et les enseignants, les syndicats d’enseignants mais aussi d’avocats et de magistrats. Tous exigent que l’anonymat redevienne la norme en matière d’éducation, que chaque élève ait un dossier au niveau local, ni centralisé ni partageable, ni consultable à distance.

Aujourd’hui,nous vous demandons de répondre enfin à leurs attentes :

  • en levant dès à présent toutes les sanctions prises à l’encontre des directeurs qui ont refusé ou refusent toujours d’alimenter le fichier Base élèves 1er degré, qui, comme vous l’avez souligné, est un  » véritable fichage des enfants et de leurs parents, sans la moindre justification d’ordre pédagogique »;
  • en faisant cesser toute manœuvre d’intimidation destinée à ébranler la détermination des directeurs qui refusent encore d’entrer dans ce dispositif ou qui, forts des recommandations des Nations Unies, ont décidé de cesser de l’alimenter : aujourd’hui, sous votre autorité, tous les Directeurs d’Académie doivent enfin pouvoir satisfaire aux injonctions faites à l’Etat français par les instances internationales de défense des droits de l’homme.

Plus que jamais, il nous paraît indispensable que l’Education Nationale montre l’exemple en respectant les conventions internationales qui régissent les droits de l’homme et de l’enfant, pour tout ce qui a trait au respect de la vie privée. En conséquence, nous vous demandons d’oeuvrer pour l’abandon des fichiers Base Elèves 1er Degré et Livret Personnel de Compétences, pour la destruction des données collectées dans la Base Nationale des Identifiants Élèves (BNIE), et pour la suppression du tout nouveau Répertoire National des Identifiants Elèves (RNIE).

Le CNRBE, le 30 mai 2012

NOTES

(1) Voici une liste non exhaustive :

  • Murielle M. (Ain) : refus d’inscription par l’IA sur liste d’aptitude le 7.02.2012.
  • Nicolas S. (Ain) : refus d’inscription par l’IA sur liste d’aptitude le 7.02.2012, perte de poste de directeur au premier mouvement 2012.
  • Anabelle V. (Ain) : refus d’inscription par l’IA sur liste d’aptitude le 7.02.2012, perte de poste de directrice au premier mouvement 2012.
  • François L. (Ariège) : retrait de la fonction de directeur le 31 août 2009, muté d’office le 1er septembre 2009.
  • Christine B. (Haute Garonne) : suppression des indemnités de direction et rétrogradée de fait au statut d’adjointe entre le 15 juin et le 31 août 2010 puis depuis octobre 2011, sans interruption jusqu’à ce jour.
  • Annelyse B. (Haute Garonne) : suppression des indemnités de direction et rétrogradée de fait au statut d’adjointe entre le 15 juin et le 31 août 2010 puis depuis octobre 2011, sans interruption jusqu’à ce jour.
  • Anne-Marie P. (Haute Garonne) : suppression des indemnités de direction et rétrogradée de fait au statut d’adjointe entre le 15 juin et le 31 août 2010 puis depuis octobre 2011, sans interruption jusqu’à ce jour.
  • Karyne G. (Haute Garonne) :  mesure de suspension conservatoire à partir de septembre 2011, déplacement d’office le 3 novembre 2011.
  • Isabelle H. (Hérault) : blâme le 2 avril 2009, retrait d’emploi de directrice le 27 août 2009.
  • Bastien C. (Hérault) : blâme le 7 juillet 2009, retrait d’emploi de directeur le 27 août 2009 – rétabli dans ses fonctions par le Tribunal Administratif, le 7 septembre 2011.
  • Jean Yves L.G. (Isère) : retraits de journées de salaire et d’emploi de directeur le 29 mai 2009, muté d’office le 1er septembre 2009.
  • Christian G-L. (Isère) : perte de sa fonction de directeur par fusion d’école le 29 mai 2009 et refus de sa candidature pourtant prioritaire.
  • Claude D. (Isère) : retraits de 11 journées de salaire et de l’emploi de directeur le 30 mars 2010.
  • Rémi R. (Isère) : retraits de 11 journées de salaire et de l’emploi de directeur le 30 mars 2010.
  • Patricia A. (Isère) : retraits de 9 à 11 jours de salaire en 2009.
  • Élisabeth H. (Isère) : retraits de 9 à 11 jours de salaire en 2009.
  • Michel D. (Isère) : 9 jours de retraits de salaire en 2009.
  • Philippe W. (Loir et Cher) : déplacement d’office le 31 août 2011.
  • François L.M. (Loire Atlantique) : retraits de journées de salaire, perte de la fonction de formateur associé à l’IUFM de Nantes et blâme en juin 2011.
  • Claudia C. (Vaucluse) : blâme le 16 décembre 2009.
  • Colin S. (Vaucluse) : blâme le 2 avril 2010.
  • Fabienne B. (Hauts de Seine) : retrait de sa fonction de directrice et de son poste d’enseignante le 19 juin 2009.

(2) Observations finales du Comité des droits de l’enfant du 11 juin 2009 (pages 6, 11 et 12 du document, paragraphes 20, 21, 50 et 51), cf le communiqué du CNRBE.

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