Collectif national de résistance à Base élèves…

contre tous les fichiers scolaires

La chasse aux migrants: un enjeu de Base élèves

Posted by retraitbaseeleves sur 26 Mai 2009

En octobre 2008, Xavier Darcos a publié un arrêté ministériel pour tenter d’instituer l’application informatique à caractère personnel «Base élèves». L’objectif du ministère est de systématiser ce fichier à la rentrée 2009.  Celui-ci, renseigné par les directeurs d’écoles et les mairies qui le souhaitent, permet de rassembler des données familiales, scolaires et identitaires sur les élèves de chaque école, leur attribuant au passage un identifiant personnel.

Quid des champs liés à la nationalité?

L’arrêté précise: « Aucune donnée relative à la nationalité et l’origine raciale ou ethnique des élèves et de leurs parents ou responsables légaux ne peut être enregistrée. »

Les renseignements liés à la nationalité, la date d’entrée sur le territoire, la langue parlée à la maison et la culture d’origine ont dans ce sens été retirés de Base élèves, sans que le Ministère de l’Education Nationale ne se soit d’ailleurs justifié sur l’objectif initial de la présence de ces données.

Cependant l’inscription du pays de naissance elle demeure. Ainsi, la préservation du secret et de l’anonymat concernant l’identité et la nationalité de l’enfant demeure précaire. Il faut noter que dans certains imprimés émanant de l’Education nationale, la nationalité de l’enfant est toujours explicitement demandée.

Fichage

Tous les enfants en âge d’être scolarisés doivent aujourd’hui être immatriculés avec un identifiant national unique (INE) qui les suivra 35 ans, dans une base de données parallèle, la Base Nationale des Identifiants Elèves (BNIE) qui n’a fait l’objet d’aucun texte réglementaire (1).

Dans les textes officiels, l’obligation scolaire «s’applique à compter de la rentrée scolaire de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de 6 ans». Un élève de plus de 6 ans à qui on attribue un INE pour la première fois devient alors un élève suspect : soit ses parents n’ont pas respecté l’obligation scolaire, soit ils arrivent de l’étranger.

L’administration pourrait donc aisément communiquer à la Préfecture la liste de tous les enfants non européens de l’Académie nouvellement immatriculés. Il serait alors aisé pour la Préfecture de vérifier la régularité de leur présence sur le territoire à partir de ses propres listes et de poursuivre son travail de contrôle et de recherche. Grâce aux données détenues par l’Inspection académique, le Préfet pourrait donc aisément localiser le domicile de la famille.

Jusqu’alors aucune donnée nominative ne sortait de l’école, le directeur était ainsi le garant de leur confidentialité. Aujourd’hui la donne a changé, l’Inspection Académique et les Inspections de circonscription, ainsi que les mairies qui le souhaitent, détiennent en effet toutes les données nominatives de Base élèves (à l’exception de l’INE pour les mairies).

Le risque est, bien entendu, que les familles de migrants n’inscrivent plus leurs enfants à l’école de peur d’être repérées. Rappelons que l’école est censée accueillir tous les enfants présents sur le territoire français.

Multiplication des recherches d’enfants

Ces dernières années, les écoles ont vu se multiplier les recherches d’élèves. D’abord effectuées par courrier postal, puis par courrier électronique auprès des directeurs, l’administration utilise aujourd’hui directement l’outil Base élèves pour effectuer elle-même les recherches. Les directeurs ne sont à présent sollicités que lorsque cette recherche n’a pas aboutie.

Cette question des recherches d’enfants fait partie intégrante des missions dévolues à l’application Base élèves puisque la déclaration à la CNIL de Base élèves du 24 décembre 2004, mentionne : « Sur requête de l’autorité judiciaire, ils [les inspecteurs d’Académie] procèdent à la recherche d’enfants. ».

Recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU

Dans ce sens, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU vient de rendre des conclusions où elle s’inquiète du caractère intrusif de Base élèves et de son utilisation pour d’autres objectifs plus officieux.

« S’agissant de Base Elèves 1er degré, le Comité note avec satisfaction que l’Etat partie a retiré des données sensibles initialement collectées et enregistrées dans cette base de données. Cependant, les objectifs de cette base de données et son utilité pour le système éducatif n’étant pas clairement définis, le Comité est préoccupé par l’utilisation de cette base de données à d’autres fins telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière et par l’insuffisance de dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations. »

Transmission des informations

L’application en France de politiques migratoires de plus en plus strictes et discriminatoires fait donc de « Base élèves » un outil pertinent de recherche des personnes par les services de police.

Il faut se rappeler qu’en septembre 2007,  les directeurs d’école du Haut-Rhin et les syndicats enseignants avaient réagi à une demande de leur inspecteur d’académie de communication « d’élèves « sans papier » ». Ce refus ne sera plus possible avec Base élèves, l’administration ira chercher directement l’information à la source.

On notera en ce sens que la notion de secret partagé dans la loi du 7 mars  2007 dite Loi relative à la prévention de la délinquance n’est pas seulement un partage de renseignements possibles au niveau des acteurs de terrain. Elle devient une transmission facile et rapide par l’outil informatique de renseignements sur fichiers entre Académie, Préfecture, Mairie, Justice et Conseil Général, ne laissant plus de place à une veille citoyenne.

Organe de lutte

Cette année, un collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE), émanation de plusieurs initiatives locales et de plusieurs organisations, s’est constitué dans le but d’alerter sur les dangers de la mise en place de ce fichier informatique. A l’intérieur de ce collectif, s’expriment les craintes des enseignants et directeurs réfractaires qui subissent actuellement pressions et sanctions au nom de l’«obligation de service». Le CNRBE est aussi constitué de parents d’élèves qui par des dépôts de plaintes relancent actuellement le débat et ont réussi à provoquer l’ouverture d’une enquête de justice préliminaire pour faire reconnaître les droits que l’administration leur dénie.

Notre collectif appelle donc une nouvelle fois chaque enseignant et directeur à la plus grand vigilance et rappelle que Base élèves est un élément de plus de la volonté politique de fichage de la population, et de l’instauration d’une société du contrôle dont les premières victimes sont actuellement les migrants. L’école doit rester un lieu de protection de l’enfance, l’instauration des fichiers informatiques à l’école est aujourd’hui une menace pour celle-ci. Le fichier informatique Base élèves est le premier élément d’une architecture numérique à l’école qui ne doit pas voir le jour.

CNRBE – Collectif national de résistance à Base élèves

(1) Dans la Base nationale : date de la demande d’INE, n°immatriculation établissement/école (qui renvoie au nom, adresse, caractéristiques de l’école), date d’admission établissement/école, INE, nom de famille, nom d’usage, prénoms -3-, sexe, date de naissance, code lieu de naissance commune ou pays, date de mise à jour état civil, date de la radiation. Sont ajoutés dans la Base académique: le domicile et les coordonnées des familles et de leurs proches, les informations relatives à la garderie, aux études, au restaurant et au transport scolaire.

Mise à jour le 15 juin sur aux observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU

9 Réponses to “La chasse aux migrants: un enjeu de Base élèves”

  1. […] La chasse aux migrants: un enjeu de Base élèves […]

  2. […] du fichier pour repérer des enfants de parents migrants, le CNRBE vient de publier un vademecum très instructif. Au départ, ce fichier devait intégrer des éléments troublants au regard de la […]

  3. […] (1) Communiqué du CNRBE du 26 mai, « La chasse aux migrants, un enjeu de Base Elèves ». […]

  4. […] La chasse aux migrants: un enjeu de Base élèves […]

  5. […] études supérieures, alors que le CNRBE a déjà montré qu’il pouvait être utilisé pour repérer des enfants de migrants scolarisés en […]

  6. […] Il précise également que des recherches d’enfant sont pratiquées de manière automatique par Base élèves. En effet, des avis de recherches complémentaires ont été envoyés dans les écoles rédigés en ces termes : « Recherche d’enfants […] Ces élèves n’apparaissent pas dans la base d’élèves mais peut être l’inscription est elle récente et le directeur n’a-t-il pas encore mis à jour la base élèves ». Ces recherches automatiques échappent par définition à la vigilance des citoyens, en particulier, sans que les directeurs d’écoles en soient informés et pourraient conduire des parents à ne pas scolariser leur enfant en cas de situation irrégulière. [analyse du CNRBE] Un nouveau sujet que le ministre se refuse d’aborder : l’utilisation de Base élèves pour des recherches d’enfants. […]

  7. […] qui a montré très clairement, l’an dernier, comment le fichage scolaire pouvait servir à repérer des enfants de migrants (1) — rappelle qu’il demande à ce qu’aucun renseignement nominatif ne sorte des écoles pour […]

  8. […] pouvant donc être détournée pour repérer d’éventuels sans papiers. Le CNRBE a publié l’an dernier une description précise et mesurée de cette astuce, grâce à une subtile combinaison des deux […]

  9. […] sous obédience politique. Le CNRBE a montré comment, par une astuce mêlant BE et l’INE, identifier des familles d’origines étrangères. Récemment, près de Rennes, l’arrestation d’un père sans papier l’a […]

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