Collectif national de résistance à Base élèves…

contre tous les fichiers scolaires

La face cachée du « livret scolaire unique numérique »

Posted by retraitbaseeleves sur 9 octobre 2016

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« Comment ça, les compétences de mes enfants ne sont pas des données personnelles !? »

lsuncaptureCette exclamation pourrait être poussée par tous les parents d’enfants de 6 à 16 ans en cette rentrée 2016, qui voit la mise en place à marche forcée d’un nouveau fichier dans le système éducatif : le « Livret Scolaire Unique Numérique » (LSUN). En effet, en janvier dernier, devant le Comité international des droits de l’enfant des Nations Unies, la France n’a pas hésité à déclarer que les données contenues dans ce livret « n’est pas du tout un livret avec des données personnelles, c’est simplement sur la maîtrise des compétences. » Et pourtant…

cancres

Un fichier caché rempli de données hautement sensibles

Couplé au fichier « Base Elèves 1er Degré » (BE1D) et aux bases élèves des établissements dans le second degré, encore plus détaillé que le « Livret Personnel de Compétences » (LPC), ce nouveau livret scolaire numérique intègre dans une même application :

  • le niveau de maîtrise du socle commun,

  • les bulletins périodiques des élèves pour chacun des cycles,

  • les bilans de fin de cycles,

  • les attestations obtenues (sécurité routière, savoir-nager, formation aux premiers secours …)

  • des éléments relatifs à la vie scolaire au collège (absences, retards, comportement)

  • des éléments de suivi des élèves en difficulté ou à besoins particuliers. Sous ce terme anodin se cachent des dispositifs dont la simple mention peut donner des indications sur les difficultés rencontrées par un élève, sur la date de son arrivée en France, mais aussi sur son état de santé ! On y trouve pêle-mêle :

  1. le PPRE (difficultés scolaires ponctuelles)

  2. le recours au RASED (réseau d’aides spécialisées)

  3. l’UPE2A (pour les élèves non francophones nouvellement arrivés)

  4. les ULIS école ou collège (unités d’inclusion scolaire, anciennement CLIS)

  5. le PPS (projet personnalisé de scolarisation, indiquant qu’un enfant bénéficie d’une aide de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées)

  6. le PAP (projet d’accompagnement personnalisé, coordonné par un médecin scolaire)

  7. le PAI (projet d’accueil individualisé, en cas de problème de santé nécessitant un protocole particulier à l’école)

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Autant dire que ces très nombreuses données nominatives sur les enfants et les jeunes sont non seulement personnelles, mais aussi hautement sensibles ! Comme à son habitude et en toute irrégularité par rapport à la Convention internationale des droits de l’enfant pourtant ratifiée par la France, l’Éducation nationale cache aux élèves et à leurs familles la dimension « fichage » de ce nouveau « livret » scolaire, le contenu exact et la nature très confidentielle des données qui y seront conservées, ainsi que les multiples utilisations de ce fichier. Du CP jusqu’à la 3ème, le LSUN va pourtant devenir « la seule source de transmission des éléments du livret pris en compte pour l’attribution du Diplôme National du Brevet (DNB) et pour les choix d’affectation des élèves » via les procédures automatisées déjà utilisées par l’Éducation nationale pour décider l’orientation et l’affectation des élèves lors du passage au collège, au lycée ou en apprentissage (Affelnet 6ème, Affelnet post 3ème). Le livret scolaire appartenait à la famille, il devient désormais propriété de l’Etat. Ce n’est pas anodin non plus.

Une présentation séduisante, mais incomplète et trompeuse

Le LSUN est présenté comme un « tout en un », avec davantage de simplicité et d’accessibilité, moins d’items à renseigner, le livret scolaire et le socle commun réunis, l’aspect pratique de l’édition des bulletins. Cette séduction ministérielle fait des adeptes chez les enseignants et chez les parents d’élèves. Cependant, un florilège de questions fleurit depuis quelques semaines sur les blogs d’enseignants, en particulier ceux du primaire. Outre le fait que ce livret est mis en œuvre dans la précipitation, les enseignants le qualifient souvent « d’usine à gaz » et le décrivent comme potentiellement aussi chronophage que tous les dispositifs d’évaluation utilisés depuis une dizaine d’années en France (numériques ou non), au détriment du temps d’enseignement, de la liberté pédagogique et/ou de l’intérêt supérieur des enfants. Par contre, on ne trouve pas grand monde pour se soucier de la dimension normative du LSUN, qui obéit principalement à une logique d’adaptation du système éducatif aux besoins de l’économie. En contradiction avec les programmes de 2015 qui réhabilitent sensiblement la pédagogie, le LSUN risque, par son codage des compétences et leur datation fondés sur une vision parcellaire de la pensée et des apprentissages, d’aggraver l’échec scolaire, puisque ce dispositif nie la complexité de l’acquisition des compétences comme le rôle essentiel de l’évaluation formative (par exemple l’auto-évaluation de ses apprentissages par l’élève notamment à partir du cycle 3). Peu de monde non plus pour se préoccuper de l’information et du consentement des élèves et de leurs parents, pourtant concernés au premier chef par ce nouveau livret, et encore moins pour s’inquiéter du fait qu’aucune des mentions légales incombant au responsable du traitement LSUN ne figure à ce jour sur la version papier qui sera utilisée par les enseignants pour échanger avec les parents. Aucune mention à ce sujet ne figure actuellement non plus dans les documents mis à disposition des enseignants par le ministère, que ce soit sur son site ou sur le site Eduscol.

livretouvrier Le retour du livret ouvrier… en pire

Supprimant tout droit à l’oubli, le LSUN permettra également de constituer année après année, un véritable « casier scolaire » numérique qui ouvrira la voie à un fichage à vie, les données enregistrées étant progressivement transférées d’un fichier à l’autre sans aucun contrôle possible des durées de conservation, des utilisations et des destinataires ultérieurs. Le fichage commencé à la maternelle (18 compétences renseignées) s’étendra au parcours professionnel par le biais du « Compte Personnel de Formation » (CPF) créé en 2014, du « Passeport d’orientation, de formation et de compétences » inclu dans ce fichier, et, de 16 ans jusqu’au décès de la personne, du « Compte Personnel d’Activité » (CPA) créé par la loi « travail » du 8 août 2016, un immense fichier dont les données seront bientôt mises à disposition des employeurs et des financeurs de formation, en application de cette même loi.

livretouvrier-filatureEn outre, couplé aux bases élèves du 1er et du 2d degré, le LSUN constituera un puissant outil de contrôle social. Les données enregistrées dans les fichiers scolaires sont en effet accessibles sur simple demande aux maires, à la police et à la justice sous couvert du « secret professionnel partagé » instauré par la loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007, aux préfets en application du « droit de communication » instauré par la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, et potentiellement à toutes les administrations par interconnexion de fichiers, en application de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011. On assiste ainsi à une véritable renaissance du « livret ouvrier » du 19ème siècle, sous format dématérialisé.

Refusons ce fichage liberticide !

Nous et nos enfants pensons n’avoir rien à nous reprocher ? C’est aussi ce que croyait Arnaud, lycéen en terminale S arrivé seul du Rwanda à 14 ans. Alors qu’il suivait une scolarité sans histoire et que sa famille d’accueil s’apprêtait à l’adopter, ce mineur isolé s’est vu refuser en mai dernier, à sa majorité, un titre de séjour, et a reçu à la place une obligation de quitter le territoire, en raison d’une simple « absence de motivation » notée quelques mois plus tôt au bas de son bulletin scolaire (prouvant, selon la préfecture, qu’il n’était pas motivé pour s’intégrer en France) ! On se souviendra également qu’il avait fallu en 2009 une intervention de la HALDE à Paris, pour corriger une différence de traitement entre enfants scolarisés dans le secteur public et le secteur privé via Affelnet post 3ème…

Enfant-prison_800Le CNRBE, Collectif National de Résistance à Base Elèves, appelle chacun à se mobiliser contre le « Livret scolaire unique numérique » (LSUN), obligatoire du CP jusqu’à la 3ème. Le boycott du LSUN peut être l’occasion de relancer la lutte contre le fichier « Base élèves 1er degré » (BE1D), première pierre du fichage des enfants à l’école qui permet la mise en place de ce nouveau fichier, et de défendre ainsi les droits des enfants bafoués par ce fichage liberticide.

 On ne fiche pas les enfants !

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